Des milliards d’euros peuvent être économisés au sein de la filière si les différents acteurs impliqués dans le processus constructif décident d’échanger des données totalement interopérables et de parler un langage commun permettant vraiment « de se comprendre ».
48 milliards d’euros ! c’est le montant des investissements à engager, chaque année, dans le secteur du bâtiment, d’ici à 2030, pour atteindre l’objectif qu’a fixé l’Union européenne (UE) en matière de décarbonation. Ce chiffre impressionnant est issu d’un rapport intitulé « Les incidences économiques de l’action pour le climat », réalisé par l’économiste Jean Pisani-Ferry avec France stratégie, à la demande de la Première ministre.
Pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à la fin de la décennie et passer à 30 mégatonnes d’équivalent CO2 (MtCO2e) en 2030, la construction nationale doit donc réaliser un effort sans précédent. Si la transformation passe par différents leviers comme l’adoption de la réglementation environnementale RE2020, l’éco-conception, le recyclage, la rénovation énergétique des logements (le parc immobilier français est constitué à 99% de logements existants), elle suppose avant tout une profonde remise en cause des pratiques au sein de la filière.
Comme le confirment diverses études (FFB, INSEE, PTNB), les méthodes de travail du secteur évoluent beaucoup trop lentement. La filière exploite insuffisamment les avantages liés au numérique et au BIM en particulier. Autrement dit les différents acteurs impliqués dans un processus constructif n’échangent pas les informations de manière efficace et performante. Dans ce contexte l’interopérabilité et la qualité des données constituent une énorme source potentielle d’économie qui se mesure en dizaines de milliards d’euros !!
Le constat est totalement vérifié dans le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments. Dans ce domaine l’approche BIM « ouverte » permet de fortement réduire le coût de collecte et de saisie des informations ; mais le succès est conditionné par une maquette de bonne qualité, facilement exploitable (susceptible d’être enrichie tout au long des phases de conception, réalisation, exploitation) et par l’utilisation d’un langage commun ouvert et normalisé, permettant l’échange informatique des données « objets » sans pertes ni altération.
Le BIM appliqué à la rénovation passe par l’interopérabilité entre contenus et logiciels métier (grâce à elle l’utilisateur pourra accéder à tout type de contenu avec tout type de logiciel) et par la continuité numérique (l’édition et la diffusion automatisée de contenu BIM au service de tous les acteurs de la filière). Chacun peut ainsi « enrichir » les objets au lieu de les substituer ce qui entraine une rupture dans la chaine de l’information. En faisant cela on « capitalise l’information pertinente » puisque chaque intervenant ajoute sa valeur à celle des autres contributeurs.
L’implémentation d’objets BIM dans une maquette numérique de rénovation n’est possible que si les outils à disposition des acteurs partagent un même format de description et d’échange des objets utilisant un même dictionnaire ou des dictionnaires partageant la même méthode de description des propriétés. Les dictionnaires de propriétés permettent de définir de façon unique et non ambiguë les données échangées. Elles doivent être utilisables par les acteurs et exploitables dans des formats permettant leur traitement automatique par les machines au travers des applications.
opendthX (1) est précisément un format de description et d’échange d’objets BIM normalisés, qui utilise les mécanismes rendant l’IFC totalement opérant en utilisant les propriétés gérées avec des dictionnaires dynamiques. Depuis 2020 la norme internationale NF EN ISO 23386 (découlant de la norme expérimentale française XP P07-150 publiée en 2014) permet de décrire les méthodologies de gestion de propriétés et de groupes de propriétés à travers un réseau de dictionnaires interconnectés. Les travaux gouvernementaux du PTNB (2018) qui décrivent d’ores et déjà 300 modèles de description d’objets génériques à partir du dictionnaire POBIM (2) comprenant 3200 propriétés.
Dans ce contexte il serait intéressant que les pouvoirs publics promeuvent un langage commun qui permettrait la mise en place d’un système d’assurance qualité à l’échelle de la filière constructive, basé sur un format d’échange ouvert, impliquant l’ensemble des acteurs amenés à échanger des informations relatives à l’objet constructif. Un moyen pour l’ensemble des acteurs de mieux se comprendre !
(1)opendthX format d’interopérabilité gouverné par les acteurs de la construction au travers de l’association ALLIANCE DU BATIMENT : www.alliance-batiment.org
(2)POBIM : Propriétés des Objets pour le BIM : les modèles de description d’objets POBIM sont utilisables au format opendthX : https://open.datbim.com/Fournisseur-POBIM-386798.html
Le bâtiment contribue à hauteur de 18% aux émissions nationales de gaz à effet de serre d’après le dernier rapport du Haut Conseil pour le Climat paru fin septembre 2022. Derrière le secteur des transports, de l’agriculture et de l’industrie, il s’agit du 4ème secteur ayant le plus d’impact dans nos émissions polluantes. De fait, il occupe une place capitale dans les engagements de réduction d’émissions de la France.
Le projet expérimental d’Atelier BIM Virtuel (ABV) mené dans le cadre du PTNB a montré que la mutualisation des opérations de collecte et saisie pour l’ensemble de l’offre de « produits du bâtiment » destinés à la construction des logements collectifs en France permet d’abaisser leur coût d’un facteur >1000 le ramenant ainsi à un niveau voisin de 0.03 % des budgets consacrés aux études !