Le plan BIM 2022 vise 100% d’usage du BIM mais quid de la rénovation ? Tel était l’intitulé du débat organisé par datBIM dans le cadre des récentes journées de la Construction passive, positive et durable qui se sont tenues dans le cadre du salon parisien Passibat.
La table ronde qui faisait intervenir Yves LAFFOUCRIERE, Président du Plan BIM 2022 et ex DG du groupe immobilier I3F constituait l’évènement central sur la thématique du BIM réunissant des acteurs majeurs concernés par le sujet. La rénovation énergétique des bâtiments constitue un fort enjeu écologique et économique puisque le parc immobilier français est avant tout constitué de logements existants : la construction neuve ne permet de renouveler qu’environ 1% du parc chaque année ! Elle est d’autant plus stratégique que le bâtiment qui représente 46 % de la consommation énergétique nationale est le premier émetteur de gaz à effet de serre. Le BIM est d’autant plus adapté à la rénovation énergétique qu’il existe désormais une offre diversifiée de scanners 3D permettant de réaliser en très peu de temps des nuages de millions de points et des maquettes virtuelles ultra précises dans tous les cas où les plans existants d’un bâtiment à rénover sont inexistants, peu fiables ou illisibles.
Yves LAFFOUCRIERE a ouvert le débat en rappelant la volonté des pouvoirs publics : « ils ont alloué une enveloppe de 10 millions d’euros au plan de 2019 à 2021 parce qu’ils désirent plus que jamais sensibiliser les PME TPE au BIM tant pour le neuf que pour la rénovation ». L’objectif est de le concrétiser sur le terrain et de généraliser son utilisation pour la rénovation énergétique. Lors de son intervention l’ex-directeur général du groupe immobilier I3F a rapidement présenté les résultats encourageants des premières expérimentations menées par le bailleur social en matière de BIM. L’expérience montre « qu’il est important d’accompagner les maîtres d’ouvrage et de les aider à définir leurs besoins afin de les sécuriser ».
Le BIM a de nombreux débouchés dans la rénovation selon Benoît SENIOR, secrétaire général de l’association ADN Construction créée en 2017 par les fédérations professionnelles afin de promouvoir le numérique dans la filière. Dans le cadre du Plan BIM 2022 cette dernière est précisément chargée d’accompagner l’ensemble des acteurs du BTP et de favoriser leur montée en compétence en leur donnant accès à des méthodes et outils (avec notamment la plateforme gratuite d’échanges KROQI). L’association lance actuellement une série d’actions afin d’implanter durablement le BIM dans les territoires.
Combiné à la préfabrication, le numérique peut révolutionner la rénovation énergétique comme l’a expliqué Fabien LASSERRE, responsable du pôle Innovation technique du groupe d’immobilier Vilogia. Le bailleur social qui gère un patrimoine locatif de près de 70000 logements expérimente actuellement- en relation avec GreenFlex et Rabot Dutilleul – un nouveau concept de « bouclier façade » pré-industrialisé permettant de rendre totalement « passives » des maisons individuelles. Après un relevé 3D des façades et des toitures, on fabrique en usine des « doubles » qu’on garnit d’une épaisseur d’isolant en vue d’être plaquées sur celles d’origine. Le dispositif est complété par des équipements performants : pompe à chaleur, ventilation double flux, etc. Initiée aux Pays-Bas en 2013, cette démarche baptisée EnergieSprong fait des émules en France dans le cadre du projet européen Transition Zéro financé par le programme H2020. Elle offre une garantie de performance sur 30 ans, des délais de chantier courts ainsi qu’un surcoût financé par la revente d’énergie renouvelable et la réduction des dépenses énergétiques.
Le BIM a encore beaucoup de progrès à faire en matière de rénovation énergétique selon Charles ARQUIN Responsable du Pôle Rénovation de Pouget Consultants. Pour l’instant, le marché se limite à quelques rénovations au coup par coup de maisons individuelles : « On continue à se heurter à des problèmes de prise en compte des surcoûts liés au BIM en amont des projets, d’interopérabilité entre les outils, les logiciels d’optimisation énergétique en particulier ». Un moyen de progresser serait de rapprocher les règles du neuf et de la rénovation, de limiter le nombre de données « utiles » qui sont échangées et de sensibiliser les petites entreprises à l’ingénierie. Les maîtres d’ouvrage doivent mieux anticiper les travaux à réaliser dans le temps. On peut aussi envisager d’imposer des garanties de résultats énergétiques associées à un modèle de financement. L’instauration du carnet numérique, obligatoire en 2025, est un point favorable.
Spécialisé depuis 25 ans dans la réhabilitation énergétique et les techniques d’Isolation par l’extérieur, le groupe Isore aimerait pouvoir utiliser le BIM de manière collaborative comme l’a expliqué Benoit GRANDEMANGE, son directeur. Pour l’instant la PME l’utilise exclusivement en interne pour les opérations de conception (4 ingénieurs et techniciens en bureau d’études) et sur ses chantiers via les équipes travaux. Les enveloppes de bâtiments sont modélisées et les fichiers sont échangés par l’intermédiaire des IFC. Isore qui dispose déjà de plusieurs références BIM en phase d’exécution s’agissant de réhabilitation de résidences souhaite que les maîtres d’ouvrages s’investissent plus fortement dans le BIM et jouent un rôle moteur dans ce domaine afin d’appliquer à la filière Construction des méthodes de travail qui sont devenues banales dans l’industrie.
Pour Jérôme BONNET, Directeur BIM du groupe AC Environnement le diagnostic amiante peut constituer un outil d’optimisation de la gestion d’un patrimoine immobilier. A l’heure actuelle, un nombre croissant de bailleurs sociaux profitent de leur diagnostic « amiante » pour mettre en place les bases d’un outil BIM Exploitation. Lors d’une opération de réhabilitation, ils « localisent » les polluants présents dans le bâtiment, décrivent leur nature, leur quantité et font de même pour les équipements imposant un contrôle technique : compteurs électriques, terminaux de chauffage, éléments de menuiserie, etc. Toutes les données étant entrées dans la plateforme Web qui héberge les maquettes virtuelles de bâtiments, le bailleur dispose de toutes les informations nécessaires conditionnant l’exploitation du bâtiment à réhabiliter. Et comme les données transitent en IFC, il ne dépend plus des fabricants utilisant une approche « propriétaire ». Quant aux fournisseurs et artisans, ils peuvent accéder à la bonne information au bon moment et savent exactement où et comment intervenir.
Didier BALAGUER qui dirige datBIM a conclu le débat en rappelant que le succès passe par une information de qualité, pertinente et structurée, associée au modèle 3D basé sur un langage commun, ouvert et normalisé, assurant l’échange informatique des données « objets » qui s’enrichissent au cours du déroulement du processus collaboratif sur l’ensemble du cycle de vie de l’ouvrage.